Connectée aux installations techniques, la maquette BIM compose un avatar numérique et dynamique, utile aux opérations d'exploitation et de maintenance.
La conception et l’édification d’un bâtiment, que ce soit un ensemble résidentiel, une usine ou un immeuble de bureaux, sont des projets de longue haleine, qui peuvent durer plusieurs années. Mais l’exploitation dudit bâtiment, en somme tout ce qui le maintient fonctionnel de sa mise en service à sa déconstruction, court sur plusieurs décades et représenterait trois quarts de son coût total. Un cycle au cours duquel la maquette BIM promet également de jouer un rôle central et majeur, visant à améliorer l’efficacité des opérations : gestion générale du bâtiment (ou facility management), pilotage de la performance énergétique, entretien et maintenance des installations techniques, à savoir l’éclairage, le chauffage, la ventilation, la climatisation (CVC), la sécurité incendie, etc.
Le BIM étant un concept neuf, a fortiori dans le domaine de l’exploitation, la plupart des projets sont récents voire expérimentaux. Faute de recul, les bénéfices sur le long terme sont donc assez théoriques, mais quelques cas pratiques fournissent de bons indicateurs. Illustration avec le Château des apprentis d’Auteuil, à Meudon, où l’entreprise Engie Axima s’occupe de la maintenance. D’une superficie de 17 000 m2, cet établissement scolaire et professionnel, bâti à la fin du 19e siècle, a fait l’objet d’une modélisation BIM à partir d’un nuage de points produit par un scanner.
Une référence pour les appels d’offre
«Non seulement l’enveloppe géométrique a été modélisée, mais aussi les installations techniques, détaille Raphaël Contamin, directeur de la BIM Factory chez Engie Axima. Grâce à nos équipes spécialisées dans les métiers de la maintenance, chaque objet a été décrit dans la maquette BIM : catégorie, fonction, etc. Le gestionnaire s’en sert pour lancer des appels d’offre, concernant le traitement de la charpente par exemple. Auparavant, il aurait fait appel à un géomètre expert qui aurait procédé à un relevé sur site. Désormais, les volumes et la configuration des poutres sont extraits directement de la maquette BIM. Même cas de figure si le contrat de maintenance change de prestataire : l’inventaire des équipements, obligatoire, s’effectue à partir de l’avatar numérique. Les économies sont considérables.»
A ce premier niveau, le BIM aurait déjà un effet positif, facilitant la gestion des actifs patrimoniaux, accélérant les procédures, réduisant les coûts. A un deuxième niveau, il devient un outil de terrain, au plus près des opérations. «Les flux de données provenant des capteurs de la GTB (gestion technique du bâtiment) et de la GMAO (gestion de la maintenance assistée par ordinateur) peuvent être ajoutés de manière dynamique à une maquette BIM, poursuit Raphaël Contamin. Une fois les connexions établies entre la maquette et ces outils, il suffit de cliquer sur une centrale de traitement d’air pour visualiser la fiche technique au format PDF, vérifier l’état de fonctionnement grâce aux données des capteurs, obtenir l’historique des opérations de maintenance… Croiser ces informations est un moyen d’établir un premier diagnostic en cas d’anomalie. L’équipe de maintenance a la possibilité de mieux préparer ses interventions et de planifier son stock de pièces de rechange. Actuellement, les techniciens se déplacent sur le site, font un premier repérage, réparent l’installation en partie puis reviennent deux jours plus tard. Pendant ce temps, le client n’a toujours pas eu de réponse à son besoin immédiat.»
La réalité augmentée s’en mêle
Ce principe sera mis en pratique par Engie Axima dans deux projets : l’IUT C, dont la construction s’achève à Roubaix, et la piscine Yves Blanc à Aix-en-Provence, dont la réouverture est prévue en septembre prochain, suite à des travaux de réhabilitation. «Engie Axima s’est chargée de la conception, de la réalisation et assurera l’exploitation-maintenance, explique Raphaël Contamin. De ce fait, par anticipation, la maquette BIM dessinée durant le chantier a été adaptée à ce type d’intervention. Les techniciens accédant à la maquette via une tablette, il est indispensable d’alléger le fichier pour ne conserver que les informations utiles à l’exploitation. Par exemple, le modèle 3D d’un pilier en béton est important au moment de la conception. Après, il l’est moins.»
Depuis fin 2016, une démarche similaire a été mise en œuvre sur site Campus Hélios de Thalès, à Vélizy, dont l’exploitation et la maintenance sont à la charge de Vinci Facilities. Grâce à une application de réalité augmentée, les techniciens, munis d’une tablette, sont guidés jusqu’à l’emplacement précis de l’équipement à visiter et obtiennent toutes les informations techniques utiles. Un gain de temps appréciable quand il s’agit de se déplacer sur un site qui s’étend sur 49000 m2. L’application, la géolocalisation et les connexions entre maquette BIM et GTB/GMAO ont été réalisées par la société Syntetic.
En vidéo: Sur le Campus Hélios de Thalès, les techniciens de Vinci Facilities se déplacent jusqu’au lieu d’intervention à l’aide d’une tablette, qui affiche la maquette BIM en surimpression.
C’est bien l’enjeu pour qu’un tel dispositif soit complet et efficace : irriguer la maquette BIM avec des données provenant des capteurs de la GTB, des installations techniques et autres objets connectés. A l’heure du numérique, établir des passerelles logicielles n’a rien d’insurmontable. Mais cette ouverture – idée en contradiction avec la tradition dans ces filières – suscite des interrogations quant à la sécurité des équipements, aux responsabilités, etc. La situation tend à se normaliser. Vinci Facilities discute par exemple avec le Gimélec, syndicat professionnel qui fédère les industriels de l’équipement électrique et des automatismes.
De son côté, la Smart Building Alliance milite pour que la maquette BIM et les données du bâtiment puissent être interfacées. Pour cette organisation, la donnée constitue un élément valorisable à part entière, à la source de nouveaux services et applications à destination des occupants en particulier. Vinci Facilities collabore avec la start-up Jooxter, créatrice d’un service d’optimisation d’espaces de travail basé sur des objets connectés. Et Engie Axima a développé FlexiBIM, consacré à l’aménagement des bureaux. Le BIM devient un nouveau relais de croissance pour les spécialistes du «Facility Management».
Frédéric Monflier